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Lundi, alors que nous faisions la queue au MacDonald pour avoir notre BicMac gratuit (ouais, les gros bofs sont de sortie), Cyril découvre sur son Iphone un email d’une dame de W9, qui nous annonce qu’ils font un casting pour un documentaire de 52 minutes : “ils ont décidé de changer de vie”. Ils vont raconter, en 52 minutes, les histoires croisées de quelqu’un qui part travailler au bout du monde, d’un ingénieur qui se lance dans l’élevage de chèvres, et de personnes partant avant la fin de l’année pour un tour du monde d’au moins un an…

Et ils nous veulent, NOUS ! Parce qu’ils ont dû tomber sur notre blog, et voir qu’on était trop beaux, trop cools, trop funs, et qu’on était trop faits pour être des movies stars ! Là, branle bas de combat, plan d’action, faut pas déconner, c’est du sérieux : Cyril, tu envoies direct un mail, qui fait genre onestintéressémaispastropetc’estvousquinousvouleztropetpasnousquiavonstropenviedegraveenvied’êtrefilmés. Moi, je prépare le speache pour demain, quand la dame nous rappellera pour nous parler de notre contrat. D’ici là, préparation, échauffement, on a un texte à apprendre, un relooking extrême à faire avant le passage devant la caméra, va falloir prévenir notre famille et nos amis qu’on ne sera plus jamais tout à fait les mêmes (la fin de l’anonymat, ça bouleverse), mais qu’ils seront plus près de nous l’année prochaine parce qu’ils pourront nous suivre à la télé. Va falloir choisir comment on va pouvoir dépenser tout ce nouvel argent, décider si on continuera à bosser une fois qu’on sera riches, penser à acheter un loft, trouver une femme de ménage, un agent… Bref, panique à bord, on a du pain sur la planche.

Nous nous rencardons donc le soir sur W9 et reservoir prod. Ils sont en place : “c’est mon choix”, “toute une histoire”, “ça se discute”, “vies croisées”, “une fois dans leur vie”, “vis ma vie”, “tout quitter pour changer de vie” (ça, c’est le notre ; quand ils cherchent un nouveau titre d’émission, ils mettent “vie” dedans et ils sont sûrs que ça va cartonner), tout ça, c’est eux.  Bref,  je vois déjà le “documentaire” en question, et ma mère qui s’étrangle devant sa télé en se rendant compte que sa fille a vendu son âme au diable et est immortalisée dans une production de Delarue, dénigrée par Télérama.

Mais c’est pas grave, on y croit encore, et puis il faut faire des compromis, toutes les stars l’ont fait. Je lisais encore ce matin un article sur Lambert Wilson (dans ce même fameux Télérama). Lui aussi a fait des compromis en renonçant par exemple à son sex appeal pour frère Christian. Bon, je m’égare…

Mardi matin, la dame m’appelle. Je prends une voix à la fois professionnelle et suave, genre actrice des années 40, et je m’applique à rouler les “R” : Laurrrrre Lemarrrrquis speaking”. Là, la dame me pose quelques questions : pourquoi vous avez voulu partir ? Qu’en ont pensé vos parents ? Que ferez-vous en rentrant ? etc. Je fais dans le “changement de vie”, donc j’insiste bien sur le dispensaire au Cambodge, le wwoofing au Japon, le centre pour animaux orphelins en Equateur, sur le fait que quand on rentrera, on ira peut-être élever des chèvres dans le Larzac si le cœur nous en dit…

Je sens qu’on lui plait bien. Certes, ils auraient préféré une famille, mais bon, ils sont un peu pressés, on fera l’affaire. Elle me demande encore si nos familles seront présentes le jour du départ. Merde. Je sens qu’elle cherche la scène où tout le monde pleure à l’aéroport. Déjà, on sera chacun dans notre famille pour Noël. En plus, si elle connaissait ma mère, elle saurait qu’il n’y a pas moyen qu’une scène comme ça se produise un jour !
C’est pas grave, ça n’a pas l’air rédhibitoire.

Mais là, elle me pose la question fatidique : « et votre première destination, c’est quoi ? » – « Hong Kong pour deux jours, puis l’Indonésie » – « Ah, zut alors, ça ne va pas le faire, c’est trop loin. On a un petit budget pour 4 jours de tournage, pendant lesquels on suivra nos protagonistes, mais l’Asie, c’est trop loin. Navrée »

??????? Fallait le dire tout de suite qu’il fallait que notre tour du monde commence par la Suisse, on aurait pu s’arranger, j’aurais fait un petit tour par Bâle avant de rentrer à Paris, c’est à 20 minutes de chez moi !!!!

Adieu, rêves de gloire, de splendeur, de richesses, de célébrité ! Oh, monde cruel !

Faut encore que j’annonce la nouvelle à Cyril. Je l’appelle donc : « bon, mon vieux, je t’avais dit de pas t’emballer, toi tu t’y crois trop tout de suite, moi je savais bien qu’il n’y avait qu’une chance sur 1000, je m’y connais, je suis du milieu, le casting c’est très aléatoire. Allez, ce sont des pacotilles tout ça, on est bien au dessus de ce monde superficiel et creux de la télévision ! »

Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiin !!!!!

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