La carretera australe : 1240 km de route, 60 000 habitants éparpillés tout du long, dont 40 000 à Coyhaique. Début : Puerto Montt. Fin : Villa O’Higgins, 463 habitants, reliée à la route en 1999.
Première étape (J1 à 4) : Puerto Montt – Coyhaique, 242 km de ferry, 70 km de bus, 252 km de stop.
Deuxième étape (J4 à 7): Coyhaique – Villa O’Higgins, 225 km de stop, 346 km de bus, 37 km à pied en une jurnée, 15h d’attente sur les routes désertes…
Destination O’Higgins :
Nous faisons notre petit bonhomme de chemin sur la carretera australe… Après une mise en jambe joviale mais difficile (cf. notre premier après midi de stop au bord du chemin à regarder les… ben non, rien ne passa en fait), nous entammons la seconde partie de la route, destination Villa O’Higgins, avec un air de bout du monde, puisqu’après O’Higgins, le déluge. Ou plutôt l’Argentine, accessible uniquement par bâteau, en trois heures de traversée, puis 22km à pied, puis encore une heure de bâteau.
J4 : Coyhaique – Puerto Tranquilo. 218 km, en bus
Temps : clément
Hébergement : nuit sous la tente, plutôt au sec
Pour rejoindre Puerto Tranquilo depuis Coyhaique, nous nous offrons le luxe du bus. La route est incroyablement belle. Nous enchaînons les “Oh”, “Ah”, “Wouaou” et autres preuves de l’insuffisance de notre vocabulaire superlatif. Pics enneigés, lagunes immenses, rios sortis de leurs lits, et toujours ces arbres calcinés témoignant d’un temps où les hommes étaient peu cléments envers un environnement vierge et sauvage à dompter quel qu’en soit le prix (toute la région brûla ainsi sous les buches immaitrisées des pionners).
A Puerto Tranquilo, nous découvrons une petite ville qui porte bien son nom, même si, à nouveau, les auberges familiales affichent complet : les travailleurs de la route occupent tous les lits ! En plus, le chauffeur du bus nous rend nos sacs couverts de boue fraiche. Le temps de les porter pendant 30m, et nous voilà tout pouilleux de la tête aux pieds. Déjà que c’est dur de trouver une chambre libre, maintenant à chaque fois que l’on frappe à la porte nous voyons le regard dégoûté de la tenancière… Cyril est sûr que l’on nous refuse le gîte par délit de sale gueule (et c’est le cas de le dire). Comme à Santa Lucia, nous finissons donc sous la tente, cette fois sans la générosité de notre petite famille d’accueil qui nous avait offert le matelas et la couette en plumes pour nous tenir au chaud dans notre maison portative.
Rencontres :
Sur le bâteau qui nous emmène vers les cathédrales de marbre,
nous faisons la rencontre de Sandra et Carlitos, deux Français qui ont tout quitté pour changer de vie (ils auraient fait des candidats parfaits pour l’émission de W9 !), et voyagent à bicyclette pendant… 10 ans ! Ou plus, ils n’ont pas l’intention de rentrer en fait. Nous sommes un peu jaloux du temps qu’ils ont, car nous, en un an, on n’a pas réussi à décrocher du calendrier.
D’ailleurs, sur cette carretera, nous rencontrons de nombreux cyclistes, dont beaucoup arrivent d’Alaska, après un périple de plusieurs mois, souvent un an et demi. Une spéciale dédicace au couple américain qui a fait ce trajet en tandem (interdits les coups de gueule et les engueulades. Ou en tous cas, impossible d’aller bouder dans son coin ! Tais toi et pédale !).
J5 : Puerto Tranquilo – Cochrane. 116 km, en stop.
Matin : 1h 30 d’attente au bord de la route. Résultat : objectif atteint.
Après midi : 4 heures d’attente. Résultat : échec.
Temps : pluvieux le matin. On a froid aux pieds. Clément laprès midi.
De retour sur la route à user les trottoirs en espérant se faire prendre par un automobiliste au grand coeur. Sous la pluie et le vent, une fois n’est pas coutume. Brrrrrrr, glagla, c’est glagla super glagla hein chéri glagla cette route glagla ?
M’enfin, une petite heure et zoupla, un employé des télécoms nous emmène jusqu’à Cochrane. Il s’arrête même en route pour nous laisser prendre des photos devant les plus beaux paysages (c’est-à-dire tous les quarts d’heure).
Sur le chemin, de nombreux panneaux publicitaires vantent les mérites d’un Chili sans barrage. Et notre conducteur nous explique que toute cette région incroyable sera bientôt en partie défigurée par les lignes à haute tension et innondée. Bien triste.
A cochrane, nouvelle tentative de stop. Un camionneur nous emmène à un embranchement, à 10km de la ville, où nous attendons une après midi sans voir passer âme qui roule. Cyril joue aux cailloux et ne voit pas le temps passer (ah, les garçons !). Il fait beau, mais froid. Nous voyons un lièvre géant sorti d’Alice au Pays des Merveille et le fameux Pudu (une mini biche).
Après ces heures d’attentes improductives (enfin, tout dépent du point de vue, Cyril a atteint 100% de ses cibles au jeter de caillou), nous rebroussons chemin en fin de journée, les pieds congelés.
Réconfort et moment fort : nous dénichons une pension familiale, occupée par… les ouvriers de chantier, ben oui ! Mais il reste une petite place, en pension complète pour un prix dérisoire, choyés par mamie. De toute façon, maintenant, si nous avons un poêle et une douche chaude, nous avons l’impression d’être au Ritz. Rajoutez à cela une purée maison et nous passons notre soirée à jubiler sur notre sort !
J5 : Cochrane – Tortel. 128 km en bus
Temps : il pleut, il mouille, c’est la fête à la grenouille
Départ pour Tortel, un des villages les plus originaux du Chili – tout de passerelles en bois, au bord d’un fjord – que nous visiterons sous la pluie, lorsque nous découvrons, médusés, qu’il n’y a qu’un bâteau par semaine pour l’Argentine, le samedi, et que nous sommes jeudi ! Damn, il faut vite rejoindre O’Higgins ! Sauf qu’à Tortel, lorsque nous demandons s’il y a du passage sur la route, on nous regarde, médusés : “en ce moment ? Muy poco”.
J5 – 6 : Tortel – O’Higgins. 155 km, en stop.
Temps d’attente : 4h l’après midi, 4 heures le lendemain matin.
Temps : 2000 mm de précipitations par an, concentrées sur l’après midi où nous faisons du stop.
Hébergement : tente, sous la pluie, froid et humide.
Nous tentons notre chance au pouce dès l’après midi. Choux blanc. Rien ne passe. Et il pleut des cordes. C’est pô drôle. Nous plantons notre tente au bord de la route, dans un abris qui a visiblement servi aux biquettes. Ca sent pô bon, la caca de biquette. Mais enfin nous sommes au sec, et avons une vue splendide sur la région.
Lendemain matin, réveil à 6h30 pour ne manquer aucun véhicule. Nous n’en manquons aucun, car il n’en passe pas un seul ! Au secours !
Finalement, 4h plus tard et des orteils gangrenés, une âme charitable nous prend et nous emmène 30 km plus loin, jusqu’à Puerto Yungai. Là le bac prend le peu de véhicule qui se rend au bout de la carretera. Nous devrions pouvoir soudoyer un conducteur.
Réconfort : Nous pouvons attendre au chaud le passage du seul bac de la journée, à 16h. Le gérant du café nous laisse seuls dans la place, il a autre chose à faire que de s’occuper de 2 touristes. Il nous dit de nous servir, nous paierons la note plus tard. Quand d’autres clients se pointent plus tard, nous tenons boutique !
Rencontres : un groupe de pinochettistes, 6 pépés et mémés, qui nous déclarent que le ski au Chili est un sport démocratique (à 70$ la journée de forfait), que les barrages sont nécessaires pour développer le pays et ne changeront absolument rien à la vue, que de toute façon nous étrangers n’avons pas à leur apprendre ce qu’ils doivent faire de leur pays… D’ailleurs, saviez vous que les manifestations étudiantes pour une université gratuite qui paralysent les facs depuis 6 mois sont financées par les communistes et dirigées par une cubaine ? Bouh, c’est la faute à Castro !).
La fin du chemin : nous avons durement gagné notre place dans la voiture de Martin, un suisse allemand qui voyage avec son père et un de ses amis (voici le joyeux groupe) pour qu’il nous emmène jusqu’à O’Higgins.
Notre petit suisse :
Lorsque nous l’avons branché à l’embarquement du ferry, il nous avait dit qu’il n’y a pas de problème pour nous prendre, du moment que nous étions propres ! En temps normal, nous aurions été sûr de décrocher le ticket gagnant. Sauf que là, panique à bord ! Vite Cyril, fonce aux toilettes et nettoie moi cette veste boueuse ! Moi je fonce sur une éponge et tente de masquer les dégâts de nos sacs à dos. Stress, inspection ! Il a bon coeur, parce qu’il accepte, et pourtant c’était pas gagné !
J 7 : Arrivée :
Nous débarquons donc à 19h dans la ville du bout de la route. Ouf !
Nuit au chaud, douche chaude et soupe, youpi, que c’est bon ! En plus, nous avons droit à la compagnie des duenos de la casa qui boivent tranquilement leur maté en papotant avec nous… Nous devons faire les provisions pour l’excursion des deux jours à venir. Petit problème : la boulangerie du coin est à court de pain. De même que les deux épiceries et le restaurant de la ville. Or sur le chemin, rien à se mettre sous la dent ! Nous demandons donc à notre dueno s’il peut nous faire du pain. “Combien vous en voulez ?”. Euh… 40 ? (ils sont tout petits, nous partons pour deux jours, et ne mangerons que cela. Il faut bien ça pour nourrir son homme, déjà qu’il a perdu 10kg et pèse maintenant à peine plus que moi !). 40 ???? Bon, le voilà qui met la main à la pâte, jusqu’à minuit ! Et il nous concocte 17 petits pains bien bons ma foi. Il faudra quand même rationner !
J8 : passage de frontière :
La cerise sur le bâteau : pour rejoindre l’Argentine, nous nous offrons le luxe d’un détour vers le glacier O’Higgins. La Patagonie dans toute sa splendeur ! C’est…”Oh”, “Ah”, “Wouaou”, on se comprend !
Et le clou : un whisky on the rock, servi sur des glaçons de l’iceberg ! Un des moments magique de l’année (le glacier, pas le whisky !).
Puis nous débarquons sur l’autre rive du lac en fin de journée. Nous poussons un peu, avec nos sacs de 20kg sur le dos, et plantons la tente avec nos amis cyclistes dans un bois.
La troupe :
Car pour rejoindre l’argentine, il reste 22km à pied à faire. Nous pourrions louer un cheval pour porter nos sacs, mais Ricardo a le monopole du transport et tire sur les prix. Nous nous passons de ce luxe. Le lendemain, nous ne traînons pas. Le chemin est boueux, il pleut, on a mal aux épaules… Finalement, le panneaux “Argentine” pointe son nez, puis nous apercevons la douane. Un passage de frontière bien amusant, avec des douaniers forts sympatiques qui nous demandent s’ils peuvent regarder nos photos du Macchu Pichu sur notre ordinateur ! Il faut dire que dans ce coin perdu, ils ne voient pas passer grand monde. Ils sont contents d’avoir un peu de compagnie.
Nous avons encore 15km à faire pour rejoindre la route la plus proche, de l’autre côté du lac. La plupart des voyageurs choisissent de prendre le bâteau, mais nos portefeuilles nous recommandent de finir d’user nos chaussures. Et bien nous en prit, le chemin est magique : le lac, les glaciers, les forêts enchantées…
Nous arrivons de l’autre côté de la lagune en fin de journée, un dernier coup de pouce (il y a bien un bus, mais qui coûte 35$ pour faire 40km ! Vive les services publiques !) et nous sommes pris par des pêcheurs qui nous emmènent à El Chalten. Hourra !
Economies de ce passage de frontière : 25 000 de portage de sac, 26 000 de billet de bâteau, 260 pesos argentins de bus, soit un total de 120 euros d’économies.
Coût : mal aux épaules et pieds mouillés.
Bénéfice : un resto bien mérité à Buenos Aires !
Repos du guerrier…
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Ah ! Oh ! Waouh ! Que de paysages magnifiques ! Et je suis admirative aussi devant votre courage et votre résistance ! J’espère qu’on ne vous ramassera pas à la petite cuiller quand vous rentrerez. Mais ce n’est pas la peine de vous dire de vous ménager … Et j’ai l’impression que vous concoctez déjà un autre voyage, en tandem par exemple.
En attendant, bonne fin de crapahutage et à bientôt.
La route fut longue et pleine de difficultés mais votre endurance a eu le dernier mot. Mais quelle récompense ! Il n’y a pas de mot pour exprimer ce que l’on ressent en voyant ces paysages : magnifiques, merveilleux, sublimes.Comme le dit mémé, heureusement que vous avez visité cette région car c’est fantastique et que dire du glacier O’Higgings.. on reste sans voix.
Grosses bises à vous.
Coucou Laure et Cyril,
Vous m’impressionnez vraiment !! Et en même temps, ça a l’air si extraordinaire…
Profitez bien de vos dernières semaines !!!
Bisous
quelle aventure et que de belles choses mais revenez-ns vite et en forme
C’est vrai que tout cela était déjà splendide, et il semblerait que cette fin de voyage ne soit allée que crescendo ! On voudrait pousser encore… On nous avait dit : “Oh, vous verrez, les glaciers, une fois que vous en avez vu un, ce sont tous les mêmes”. Mais depuis on en a vus quelques uns, et on ne se lasse pas, c’est toujours aussi beau. Du coup on en veut toujours plus !