De retour d’un petit trek de trois jours dans les contrées montagneuses de l’état Shan, à l’est du Myanmar, nous pouvons faire le bilan de nos apprentissages récents qui nous serviront dans la vie de tous les jours :

1 – pour lancer une grenade, compter jusqu’à 8 après le dégoupillage puis l’envoyer la plus droite possible pour qu’elle explose en faisant un maximum de dégat.

2 – pour poser des mines anti-personnelles, prévoir au moins deux personnes dans l’équipe de minage (si l’une meurt, l’autre sait où sont les mines posées et pourra les retrouver !) Conclusion : Cyril qui voulait trop trop trop passer sous le viaduc préférera le package “vue du dessus + je rentre avec mes deux jambes”

3 – si nous devions un jour semer une armée ennemie, nous savons qu’il suffit pour cela de chausser des souliers à semelle inversée

4 – et, point fort de notre entrainement militaire, nous connaissons tous les tours de magie qui nous permettront de faire du traffic d’armes avec les chinois sans les voir dérober tout notre argent !!!

Alors, quel rapport, me direz vous, avec le trek ???

Eh bien voici l’histoire…

Il était une fois, dans une petite contrée autrefois colonisée par les anglais, un petit état Shan peuplé de valeureux guerriers Palaungs qui résistaient encore et toujours à l’envahisseur Birman. Plusieurs tribus avaient pris les armes dans l’espoir de maintenir leur indépendance.

Parmi eux, Naf Naf, fils d’une doctoresse de la région qui parcourait la campagne Shan pour donner des soins gracieusement aux soldats blessés. Il ne fallut pas longtemps pour que son fils rejoigne lui aussi le mouvement indépendantiste et guerroie dans la forêt.

Parmi ses faits d’armes, sa plus grande victoire fut probablement contre les chinois : un jour qu’il allait à la frontière acheter des armes, le jeune intrépide paria tout l’argent destiné à l’achat d’armes sur des jeux de magie. Il perdit évidemment tout. Catastrophé, il mit au point une stratégie d’une grande finesse pour récupérer son bien, et ne plus jamais se faire avoir comme un bleu : il braqua le chinois magicien et lui dit : “la bourse + tous les trucs de tes tours de magie ou la vie”. Le chinois céda sous tant de ruse, et Naf Naf put rentrer au camp armé jusqu’aux dents et pleins de tours dans son sac.

Malheureusement, contre les Birmans, la potion magique fut inefficace et après des années de combat, les petits villages palaungs n’eurent qu’une alternative : se rendre ou s’exiler. Naf Naf déposa les armes, tandis que sa mère et son frère prenaient la route d’un camp de réfugiés en Thaïlande, où la doctoresse mourut d’ailleurs il y a trois ans sans avoir revu son pays.

Naf Naf, lui, fut sauvé par une dame de la région qui avait accepté de le cacher pendant les moments les plus troubles. Comble de l’hospitalité, elle lui proposa même, pour parfaire sa couverture, d’épouser sa fille. Le guerrier accepta (il faut dire qu’il trouvait la demoiselle fort à son goût).

Depuis, Naf Naf continue d’arpenter les villages Palaung, où tout le monde le connait, et où il emmène trois touristes chanceux par mois, partageant ses connaissances de la région, de la guerilla et de la magie. Il dévoile même tous ses trucs, sans qu’on n’ait besoin de le braquer avec une kalachnikov !

Mais le guerrier qui sommeille en lui n’a pas dit son dernier mot. Maintenant, son arme, c’est sa caméra. Il n’a pas fui le pays pour pouvoir continuer le combat, et informer sur ce qu’il se passe réellement dans son pays. Il envoie ainsi des images volées à la chaine indépendante basée en Norvège…

Quand nous sommes allés dîner chez lui, nous avons rencontré sa femme, qui sortait juste de prison. Elle représente un énorme danger pour le gouvernement : en 1988, elle était l’une des leaders de la révolte estudiantine. Comme il y avait des élections programmées récemment, mieux valait la mettre au noir pendant 6 mois, des fois qu’elle ait envie de reprendre le combat. Il faut dire qu’ayant été diplomée de chimie et ne trouvant pas de travail, elle a préféré être mère de famille et faire de la couture à ses heures perdues. C’est sur qu’une telle opposante active, ça fait frémir dans les gouvernements…

Mais la joie règne dans la famille de Naf Naf. Sur son écran plat, il nous met le clip de Shakira, monte le son à fond et imite le déhanché de la blonde… C’est qu’il a la patate, Naf Naf !

Et ce trek, alors ? Et bien de belles rencontres, dans des villages qui voient rarement des voyageurs, qui tâtent nos bras blancs quand ils nous voient arriver et veulent tous que nous nous arrêtions chez eux pour nous nourrir ! D’ailleurs, un petit exemple de petit déjeuner Palaung ? Des oeufs, du pain, du riz, des patates, du tarot (une racine dans le genre du manioc)… Et que se passe-t-il quand tous ces féculents se rencontrent dans un estomac ? Ca fait un gros bloc dans le ventre qui n’arrive pas à descendre. Alors quand en plus il faut monter en haut de la montagne juste après avec un guide qui chante et qui court qu’il faut rattrapper, et bien c’est pas de la tarte !!!

Et quelques photos pour terminer!

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