Yushu! “Ville la plus reculée de la région la plus reculée de Chine” dixit le Lonely. Région autonome Tibétaine, province de naissance de l’actuel Dalai Lama, peuplée à 98% par les minorités Tibétaines, des temples parmi les plus florissants du pays, “des habitants extremement accueillants, même selon les critères Tibétains” (@Lonely again)!!
Wahouuuuuuuuu! Tout pour nous plaire! Il faut que nous nous rendions la bas, quelles que soient les difficultés de transport pour s’y rendre! Un petit tour (8h quand même) d’auto-stop plus loin (et 2h d’attente sur le trottoir à 7h du mat par 3°C), dans un rutilant 4*4, qui nous a permis de faire connaissance avec 3 sacrés phénomènes Tibétains (50% du temps à prier en marmonnant et 50% restant à me caresser la barbe en rigolant), nous voilà en route pour la terre sacrée, destination de nos rêves, objectif ultime de notre périple dans les régions autonomes Tibétaines du Sichuan et du Qinhai!
Silence on arrive, plus que 15Km à parcourir! Penchés comme des enfants (ou des chiens, vous savez avec la langue qui pend et tout) à la fenêtre de la voiture, nous mitraillons les belles gorges, les champs de Yak et attendons d’apercevoir Yushu (on fait un super jeu. Celui qui voit le premier le Stupa (ben oui y’a pas de clochers ici) gagne!!)!
Et puis enfin, au détour d’un virage, voilà notre première vision :
Euh… pour la province reculée on repassera. 3 contrôles de police plus tard et après avoir croisé 4 camions de militaires armés jusqu’aux dents, les tentes bleues succèdent aux nuages de poussières, aux déchets débordant de la rivière, dans lesquels les Yaks et les chèvres paissent gaiement!
Devant nos yeux ébabahis, défilent des paysages lunaires, des immeubles éventrés, des routes défoncées… nous naviguons dans un nuage de poussière entre ces scènes apocalyptiques. Les quelques mots que l’on échange sont “euh… on s’est trompés de ville, c’est pas Yushu là…!!!”
Mais si, c’est bien Yushu. Notre 4*4 nous dépose au bord de la route… les passagers ont de la peine de nous laisser là, ils nous aident à sortir nos sacs en tapotant dessus dans un nuage de poussière. Nous voilà seuls dans ce chantier! Mais c’est quoi ce truc ??????
On entreprend de rejoindre ce qui ressemble au centre de la ville en marchant sur des décombres, au milieu de voitures de police coincées dans les gravats, de moines Tibétains se promenant en moto dans ce paysage surréaliste. Les gens nous regardent bizarrement, mais semblent heureux de nous rencontrer. Les “Tashi Delei” fusent, mais on se rend bien compte qu’il y a peu de touristes qui viennent se perdre dans le coin (et pour cause!!!).
Un monument imposant, une belle statue en bronze, trône sur ce qui, jadis, fut certainement la flamboyante place de la ville. Aujourd’hui le cheval semble effrayé par tous ces buldozzers, tracteurs, tentes bleues à perte de vue, et se cabre pour faire face à l’adversité… car c’est immédiatement la théorie qui nous vient à l’esprit! L’adversité! Les méchants Han (l’ethnie Chinoise majoritaire), ont envahi la terre sacrée du Dalai Lama, ont tout pété pour coloniser ce fief Tibétain et imposer leur culture du bulding moderne!
C’est décidé, je ne sourirai plus aux Hans que je croiserai dans les rues de cette ville (ils sont faciles à reconnaître, ils sont… différents!).
Bien évidemment, les hotels indiqués dans le guide n’existent plus, si ce n’est sous forme de tas de pierre. Le seul batiment debout s’est reconverti en hotel et propose des tarifs exhorbitants (20e pour une chambre pourrie dans le pays, c’est très cher!). Prenant le gérant pour un Han (en fait c’était un Tibétain, mais il était… différent, alors j’ai une excuse!), je m’insurge devant les tarifs des chambres, bien au dela de notre budget… Coloniser la ville c’est une chose, mais en plus profiter de la situation c’est déguelassse… Je vais me le faire celui là!!!
Et puis… un grand moment de solitude… Le Tibétain différent, de nous dire : “nous sommes le seul hotel, vous savez après le terribe tremblement de terre qu’il y a eu en Avril 2010… Quoi ???? Vous n’êtes pas au courant ????? Mais des milliers de Tibétains sont morts ce jour là…”!
Là je l’avoue on se sent un peu bête… Et puis on réalise… Tous ces gens vivent sous des tentes depuis un an à 3000 m d’altitude. Il n’y a plus d’égouts, plus de route, plus rien. Alors on prête attention. Effectivement, les tentes abritent tantôt un coiffeur, plus loin une épicerie de fortune, une boucherie… La ville s’est organisée sous forme d’un énorme camp de nomades/réfugiés.
On se sent du coup un peu voyeurs, d’être là, comme des fleurs, et de ne rien pouvoir faire… Alors que le gérant de l’hotel nous propose des chambres moins chères (de 1à 5euros), qui consistent en de grandes salles ou des dizaines de gens s’entassent par terre dans la crasse, nous décidons un peu honteux d’aller à la gare routière et de prendre le premier bus pour partir, inutiles que nous sommes ici…
Le sort voudra cependant que nous passions une nuit sur place, le dernier bus venant de partir sous nos yeux… Mais, pour nous, hors de question de lacher 20e dans l’affaire! Au détour d’une rue (enfin d’un chemin défoncé) nous voyons une pancarte annnoncant une guesthouse… Nous nous approchons sous les regards éberlués des locaux… “Non ce n’est pas vraiment un hotel” qu’on nous dit… Alors que nous faisons demi tour, une petite dame portant un enfant dans les bras nous propose tout de même une belle tente, à proximité de beaux sanitaires pour 8e… qu’elle négociera toute seule à 6… On la prend. Nous sommes dans un camp de réfugiés, sous une tente bleue, les sanitaires sont une fosse creusée dans la terre, encerclés d’une toile en plastique. Des planches de bois sont posées en travers du trou pour pouvoir s’y rendre.
Finalement on passera une nuit correcte, et nous quitterons la ville en réalisant ce à quoi peut ressembler un tremblement de terre et gardant en mémoire les visages de toutes ces personnes vivant ici depuis 1 an… et pour encore quelques années…
Le contraste de cette ville apocalyptique est d’autant plus saisissant que les alentours, en amont pour y venir, et en aval en partant nous ont réservés deux des plus beaux paysages qu’il nous ait été donné de voir… un lac gelée turquoise encerclé de deux magnifiques glaciers, et des plaines à perte de vue, balayées par la neige à plus de 4810m d’altitude (on a quand même fait 400km de trajet au dessus du Mont Blanc…)
Voici la nature dans sa contradiction!
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Alors là, j’avoue que votre témoignage sur cette ville dévastée est poignant. Je ne pense pas pour autant que votre passage a été si inutile. Vous avez croisé des regards qui en disent long sur toute cette misère, mais surtout des sourires qui prouvent bien que ces gens, qui n’ont pourtant plus rien, sentaient ne serait-ce que par votre présence un soutien moral. J’ose croire que dans notre monde, c’est peut-être encore cela qui peut tout déclencher et nous faire soulever des montagnes. Et par dessus tout, votre témoignage, même modeste,est primordial pour mieux nous faire comprendre ce que le mot solitude signifie ; et que, malgré tout, ils survivent et plus encore : ils sont solidaires et avancent “dans l’adversité”. Pour cette leçon de vie, un Merci serait plus juste dans ce contexte qu’un Bravo.
A bientôt
C’est vrai qu’on n’est pas pret d’oublier ce qu’on a vu la bas. A la fois, les gens, les sourires et les ruines!
Pas forcément le plus beau site que l’on ai vu, mais l’un des plus marquants entre la déception de l’arrivée, la tristesse d’apprendre ce qui s’était passé, et notre nuit dans le camp où chaque voyage aux toilettes était un défi!
Je pense que je ne me serais pas sentie à l’aise non plus dans cette ville ainsi ravagée ; mais que vous n’ayez pas su ce qui était arrivé là vous a permis d’y aller , ce que vous n’auriez pas fait sinon, et de ressentir un peu de ce que peuvent éprouver des populations durement touchées et plus ou moins abandonnées. Cela donne une autre dimension à votre voyage.
Bises à tous les deux.