Nos en révions, nous l’avons fait. Ou pas…
Désastre n°1 :
Nous arrivons au parking à 4500m dans le park Cotopaxi en début d’après midi. Le vent souffle, il fait froid, nous revêtons tout de suite nos 4 couches et grimpons.
Notre objectif :
Déjà, nous sentons l’altitude, la grimpette nous essoufle. Mais nous arrivons au refuge en 30min au lieu des 45 à 1h prévues. Le guide nous flatte : “vous êtes en bonne condition physique. Nous devrions pouvoir atteindre le sommet du volcan en 5h30.” Nous faisons les coqs. Une personne sur deux seulement atteind le cratère, à cause du mal d’altidude, de la fatigue ou du mauvais temps. C’est pas à nous que ça arrivera, c’est sûr…
Nous expérmentons le matériel : crampons, chaussures d’alpinisme (vous vous imaginez faire une randonnée avec des chaussures de ski aux pieds ? Moi non plus, et pourtant, c’est à peu près l’équivalent !), cordes. Nous sommes fins près.
Nous prenons notre repas au refuge. Nous sommes une douzaine de badauds à tenter l’ascension ce soir, et à partager ce refuge non chauffé à 4810m.
Nous avons comme voisins une famille de loups (que nous avons pris pour des renards, m’enfin, on est des citadins nous !)
Dodo à 18h (autant dire que nous ne fermons pas l’oeil), réveil à minuit, petit déjeuner léger, et c’est parti, à 1heure, tout ce beau monde est sur le flanc du volcan et commence l’ascension. Dans nos sacs de couchage, nous entendions le vent se déchainer au dehors. Et pour cause, un guide déclare que les conditions pour l’ascension ne sont pas “muy buenas”. Tu m’étonnes : le vent souffle à toute allure, il tombe une neige fine et dure qui nous fouette le visage. Ca s’anonce difficile.
Peu importe, une charmante procession se déroule dans le noir, lampe frontale allumée, formant des zigzags de points lumineux sur les côtes du volcan. C’est assez mystique.
Nous montons très lentement. Avec l’altitude, nous nous essouflons vite. Au bout d’une heure, nous atteignons le glacier. Il fait un froid de canard, le vent nous projète sans cesse à terre, ou contre les parois glacées. Il faut lutter, et ça grimpe raide. Vers 3h du matin, premier abandon. J’envie un peu cette jeune fille qui retourne au chaud. Mais nous avons un objectif, il faut poursuivre.
Un peu plus tard, un couple rebrousse chemin.
Nous grimpons toujours, piolet à la main, encordés. Il faut sauter par dessus des crevasses, passer par des chemins escarpés. J’avais déjà connu le “j’en ai marre” du Kerinci, quand vraiment ça devenait dur et que je me demandais pourquoi j’avais signé pour me faire du mal. Mais très vite l’excitation prend le dessus et surtout, nous avons la récompense du sommet, avec la vue magique et la conscience d’être privilégiés. Là, je connais une nouvelle expérience : le “j’en peux plus”. Très différent. Vraiment je suis au bout de mes forces. Mes jambes ne me portent plus, elles sont en cotton, le piolet me parait être en plomb, je manque d’oxigène, la moindre raffale me profète au sol et c’est épuisant de se relever. Sentiment d’impuissance assez dérangeant.
Premier coup de pouce : les cookies aux pépites de chocolat. C’est bon pour l’énergie et pour le moral ! Mais on ne s’arrête pas longtemps par ce froid, et retirer ses gants pour chopper le cookies pose un véritable dilemme (cookies ? Doigts congelés ? Cookies ?). Résultat on n’a bu et mangé qu’une fois, par paresse, de toute l’ascension (de toute façon notre boisson a été congelée au bout d’une heure).
Deuxième coup de pouce : Cyril me donne une de ses polaires. Je grelottais à faire trembler les parois. Là aussi, c’est un calvaire d’enlever sa veste pour remettre une couche par dessous. Mais ça fait du bien. Cyril n’a pas froid, il est à peine essoufflé, et il trouve que nous allons trop lentement (Ah, ces garçons sportifs, c’est pénible quand même, ils pourraient au moins faire semblant de trouver ça dur, histoire de compatir et de nous faire nous sentir moins bête à peiner comme ça. Mais non, il galoppe comme un cabris ! Ceci dit, il demande quand même une pause à un moment, et quand nous devons escalader des parois de glace au piolet, je sens qu’en plus de jubiler, il galère un peu aussi. Quand même, un peu de soutien !).
Finalement, quand il n’y a plus de coup de pouce matériel, il faut se fouetter (en plus de subir le fouet du vent qui m’a déjà congelé la face). Parce que là il n’y a plus que le moral pour porter mes jambes (“allez, ça va être incroyable en haut, tu peux pas renoncer si près du but”, etc.).
Vers 5h du matin, un autre groupe fait demi tour. Notre guide nous demande si l’on veut faire pareil : “avec ce vent, c’est vraiment difficile, vous voulez rentrer ?” Cyril est catégorique : hors de question, on poursuit. Je suis assez d’accord, même si je l’aurais aussi été dans le cas inverse. Là de toute façon je n’ai plus d’énergie dans le cerveau.
Nous montons encore, le vent redouble d’intensité. Il faut vraiment lutter. Vers 6h du matin, alors que le dernier groupe renonce, le jour commence à se lever. Nous poussons encore. A 6h30, nous avons pris de l’altitude. Nous sommes à 5600m. Nous y croyons vraiment. Petite pause, quand le guide nous annonce : “il faut faire demi tour. Avec ce vent, c’est trop dangereux. Nous sommes encore à 2h du sommet. Mais nous ne pouvons plus avancer”. Cyril n’est pas prêt à entendre raison. On ne renonce pas si prêt du but ! Et avec le petit jour, le paysage devient magique…
Quand soudain : “CRAAAAACK”. Un énorme bruit déchire la montagne. Le guide se jette dans mes bras de frayeur. Je me retrouve avec Alberto sur les genoux !
Une avalanche ? C’était juste à côté ! Cyril se lève d’un bond et crie “Fuyooooooooooons !!!!”. Ca y est, il est convaincu, nous rebroussons chemin à toute allure. Enfin, aussi rapidement que nous le permet ce vent terrible qui rend la descente aussi éprouvante que la montée.
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Désastre n°2 :
Alors qu’il fait encore nuit et que le vent nous congèle le visage, je sens que de la glace me rentre dans les yeux. Nous n’avons pas de masque : moi j’ai prévu des lunettes de soleil pour la réflexion du matin sur la neige, de la crème solaire pour la même raison et un super chapeau pour éviter l’insolation. C’est beau l’optimisme ! (Ceci dit, nous avions suivi à la lettre la liste d’équipement donnée par le guide).
Je vois un peu flou à gauche, et j’ai l’impression que mon oeil a été un peu congelé. Sans plus. Sauf que quand le jour se lève, je suis dans un flou artistique total. “C’est con qu’on soit dans les nuages, là!” ”
Hein, mais pas du tout, c’est parfaitement dégagé !” Ah, je m’inquiète là, pour moi je suis entourée d’un épais brouillard. Un voile blanc recouvre tout. Rapidement, je ne distingue plus que des ombres. Embêtant lorsqu’il faut sauter des crevasses et redescendre un glacier.
D’ailleurs, nous approchons de la plus grosse crevasse. Le guide me dit : “saute !”. T’es gentil toi, saute par où, comment ? J’ai une vague idée, mais tout de même. Nous sommes encordés, donc normalement je suis en sécurité. Mais dans le doute, en plein air, je sacrifie mon piolet à la montagne. Elle accepte l’offrande goulûment, et voici mon piolet qui s’enfonce dans ses entrailles. Bye bye. Zut !
Pour descendre, je tiens la corde, mais je trébuche toutes les 5 minutes. Je n’en peux vraiment plus. Quand nous pouvons enfin être deux côté à côté, Cyril fait mon chien (ça peut paraître insultant de traiter son copain de canin, mais vu son amour pour les bêtes, c’est un des plus beaux compliments que je puisse lui faire !). Et il assure : il me soutien, me guide, me rassure. Pourtant c’est une vraie galère de transporter une aveugle dans cette expédition, mais heureusement qu’il est là.
La descente ainsi nous prend 4 bonnes heures, qui m’ont parues interminables, dans le noir. Le guide m’a bandé les yeux pour éviter que cela s’empire avec le vent et la lumière. A un moment je regarde quand même par dessous. Je suis désespérée : “on est encore sur la neige ? C’est tout blanc !”. “non, on est sur la terre là!”. Je panique complètement, je vois tout blanc.
Bref cette descente fut interminable et totalement terrifiante.
Nous arrivons finalement au refuge, épuisés et dépités. Les autres guides s’inquiétaient, nous avons mis longtemps. Nous avons droit à un lait chaud pour nous réchauffer, et le guide m’offre aussi des rondelles de patates, à coller sur mes yeux. Il parait que ça aide.
Je passe la journée dans le noir. Je sens quand même que la vue me revient.
Et ce matin : Que la lumière soit ! Et la lumière fut ! Ouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuf (Cyril voit s’échapper une occasion en or d’avoir un chien à la maison !)
Désastre n°3
Nous économisons depuis notre arrivée en equateur pour nous offrir cette petite sortie hors de prix. Les agences offraient l’excursion à 200$ par personne. Nous avons trouvé un guide indépendant, tiré sur tout, pour finalement arriver à 150$ par tête. Bien au dessus de nos 20 euros par jour. Mais enfin, c’était LA sortie. Et on n’est même pas arrivés en haut, bouhouhouhou !
Et j’ai lâché le piolet. Ardoise : 50$. Ils ont même pas fait de réduction invalide.
Et dans l’histoire, j’ai perdu mon hamac.
Bref, un désastre financier. Et dire qu’on va devoir manger des sandwichs pendant tout le mois de septembre pour rattrapper ça !
Pour vous donner une idée, voici ce que l’on aurait dû voir en haut :
Ca aurait dû être nous sur la dernière photo !!!
Il s’en est fallu de peu que nous fêtions nos deux ans là haut. Ca aurait été nos noces de souffre (huuum, noces du cratère ? Noces du manque d’oxygène ? Noces du glacier ? Bon, je crois qu’il valait peut-être mieux ne pas arriver en haut alors…)
Bon, puisque vous avez été un peu sevrés de photos, dans ce début d’article (difficile de sortir l’appareil dans ces conditions climatiques), voici une séance de rattrapage.
A Mindo, dans la “forêt dans les nuages”, Cyril s’est découvert une passion pour les insectes :
et pour les colibris ! Je l’ai laissé tout seul 5 minutes, et le voici qui revient avec 367 photos de colibris. Ce qui donne, ensuite : “Eh, ce soir on trie mes photos de colibris, hein, hein !!!”. Bonjour la soirée !
Notre belle balade dans la forêt, sur le chemin des cascades. Lorsqu’on doit prendre la “tarabita” pour traverser, on nous rassure en nous disant qu’elle a été construite par des costas riciens avec 12 ans d’expérience. Ah c’est sur on se sent mieux !
Et puis notre belle promenade à vélo de Banos à Puyo, 60 km. Dit comme ça, ça parait pas mal, sauf qu’on n’a donné qu’un coup de pédale au départ, et zou, que de la descente. Trop bien (enfin, sur les 30 premiers km). Arrivés au bout, retour en bus !
Enfin voilà pour conclure sur le Cotopaxi, avec le recul d’une bonne nuit de sommeil : c’était pour moi l’expérience la plus dure physiquement de ma vie ! En redescendant je pensais que c’était une des pires journées de notre tour du monde. Et maintenant, je me rappelle déjà ces glaciers magiques dans la nuit, le défit presque surmonté, la confrontation à la nature, la beauté des glaciers dans le soleil levant (certes dans un certain flou artistique), le réconfort du bras de Cyril alors que je suis au bout du bout… Je crois que je vais chérir ce souvenir quand même.
Et remonter !!!
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Si je ne commente pas souvent, je continue à suivre vos aventures avec un énorme plaisir. On s’y croirait vraiment. Et là, cela donne de vrais frissons…
Continuez à en profiter au maximum et bonnes noces de souffre
Des bises
A la lecture du récit, on a l’impression que vous êtes les aventuriers de l’extrême, et l’angoisse nous envahit au fur et à mesure, inquiets du dénouement. Nous ressentons toute la frayeur qu’a pu avoir Laure (et Cyril du même coup) d’être plongée dans les ténèbres. Dommage que le temps fut si mauvais car vous méritiez d’arriver au sommet !
Reposez vous bien avant d’entamer les 100 derniers jours, car il vous reste encore beaucoup à voir.
Bon courage et grosses bises à vous.
Salut Laure et Cyril,
merci de partager ce tour du monde avec nous. Ça me permet de m’évader le temps de la lecture.
Profitez bien pour nous.
on va finir par se faire du souci avec vous deux. on aimerai bien retrouver nos copains entier à votre retour. le coup du cratère c’est sympa mais ne dépassez pas vos limites. en tout cas photos super sympas comme d’hab et contente d’avoir des nouvelles. cyril tu assures en tant que petit copain attentif, c’est bien. on vous embrasse et à bientôt pour vous lire encore. pour moi c’est la reprise dans une nouvelle école. les collègues sont sympa et c’est beaucoup plus proche de la maison. gros bisous à tous les deux et bon anniversaire des 2 ans.
marjolaine
bravo pour votre courage, en tous cas je vous admire .. mais bon faite quand même attention à vous! Adam attend le retour de sa tata Laure ( en bon état lol )
Salut Laure et Cyril,
Impressionnant votre périple à l’assaut de ce volcan. Je vous ai inscrit à Koh Lanta pour la saison prochaine. Je suis sûr que vous allez tous les massacrer avec votre entraînement intensif.
Bisous et à bientôt
Pour une fois, j’ai ri jaune en lisant votre article. Et heureusement que j’avais lu le mail de Laure avant, disant que tout s’était arrangé. J’ai quand même pris peur en découvrant les conditions de cette expédition. Vous prenez de plus en plus de risques, non ? Après les violences urbaines, les piranas, voici les conditions météo extrêmes. J’espère que dorénavant, vous serez plus “sages”. Mais je n’y crois guère !
Désormais,Eric n’a plus besoin de regarder l’émission “Man vs Wild” tellement vos aventures sont extraordinaires. Même dans Cliffhanger, Stallone n’a pas sauté la crevasse les yeux bandés.
Laure, voici la seconde fois depuis le début de ce tour du monde que tu inquiètes Cyril (et nous avec). Allez ! Dis-nous la vérité ! C’est une stratégie pour le tester après deux ans de rencontre, non ?
Les photos sont impressionnantes et on imagine les difficultés que vous avez dû rencontrer. En tout cas, chapeau d’être allé aussi loin avec des conditions climatiques aussi extrêmes et de retenir tout de même de cette aventure des souvenirs positifs.
Hello Laure et Cyril,
En lisant le récit, la seule chose qui me rassurait quant à ta vue Laure c’était de savoir que tu as écrit le récit après l’expérience
Vraiment intéressante cette petite sortie. Ca me rappelle le pélerinage du Mont Fuji où j’ai une expérience similaire sans le risque de perdre la vue
Quand je vois Cyril, je me dis qu’il va vivre une très belle expérience tout aussi exotique en revenant en France: l’expérience Coiffeur
) Quant à toi Laure, toujours aussi ravissante même dans les pires situations.
Bon merci encore une fois d’avoir partagé ces instants intéressants et vos noces de souffre avec nous
A très vite.
Helmy
Quelle idée de se lancer dans des expéditions pareilles ! Ce n’est pas raisonnable.
Les paysages sont beaux et j’ai bien ri à certains passages racontés par Laure.
Mais faites attention à vous.
Bises.
Bon, je vois que j’ai inquiété tout le monde ! Mes yeux sont parfaits, ça n’a duré qu’un jour en fait. Du coup il faut que j’invente autre chose pour que Cyril soit à nouveau aux petits soins, parce que là c’est à nouveau moi qui vais chercher le petit déjeuner le matin !
Mais en général, rassurez vous, nous ne prenons pas de risques inconsidérés : nous sommes partis avec un guide expérimenté, l’équipement adéquat, et cette escalade est faite tous les jours pas des badauds aussi inexpérimentés que nous sans accident, donc ça parait impressionnant comme ça (surtout vu les conditions climatiques, et ça l’était pour nous aussi), mais ce n’était pas très risqué… On a envie de finir ce voyage en entier !
Sinon Helmi, merci pour tes compliments sur ma classe naturelle, mais après ce périple et le vent gelé, j’ai le visage entier qui a pelé, donc là je crois que même en essayant de rester digne, je ne pouvais plus faire illusion ! Quant à Cyril, il pourra bientôt voyager en Afrique et passer inaperçu avec sa coupe afro. Y’a rien à faire, ses cheveux refusent de redescendre. Etrange défi aux lois de la physique !
Pour Koh Lanta, c’est pas possible, moi ce qui me fait courir ce sont les cookies au chocolat, donc je ne survivrais jamais sur l’île à manger des vers de terre !
Quel plaisir de’ lire vos récits! Laure, tu as un vrai talent
et les photos sont superbes!!
prenez bien soin de vous et profitez bien de votre tour du monde!!!! Maryline
It’s the journey, not the destination.
Certes, mais bon nous on ne marche qu’à l’objectif