Nous avons atterri en terre birmane le 25 février, et le choc a été immédiat. Première perte de repère : dès la frontière, le sourire birman rayonne. A savoir : même les douaniers sourient ! Chose totalement inédite, car les douaniers sont universellement antipathiques, grincheux et effrayants, portant sur le visage le message : “clandestins, immigrants illégaux potentiels, dealers de shit du dimanche, s’abstenir, je mords”. Là, rien de tout cela, on nous annonce déjà le tème du voyage à venir. La Birmanie sera le pays du sourire. La Thaïlande avait tenté d’usurper ce titre, mais nous ne nous sommes pas laissés prendre. En Indonésie, nous avions cru atteindre des sommets inégalés de gentillesse, de sens de l’hospitalité, d’intérêt pour le voyageur émerveillé. Mais nos amis insulaires ont été détrônés en un passage de check point.
Déjà, Yangon se révèle à nos yeux ébaillis une capitale hors du commun. Nous voyageons dans le temps, et découvrons une ville fourmillante où les habitants usent les trottoires sur des terrasses de café improvisés et les enfants jouent au foot au milieu des rues en se cassant les pieds contre des ballons durs. Partout, une joie de vivre, des rires, des cris, des marchands de rue aux brics à bracs improbables (les produits phares de l’année sont sans conteste le slip moulant pour homme et les télécommandes, fournissant un étal sur deux), une odeur de fritture et de pâte de poisson. La ville a été belle, ses bâtiments coloniaux en témoignent, même s’ils attendent impatiemment un ravalement de façade. Certains, las d’attendre, se sont effondrés. Et puis au loin, visible du 9ème étage de notre chambre d’hôtel sans ascenceur, la merveilleuse pagode Shwedagon et ses 700 kg d’or.
Car la Birmanie recèle de merveilles et de richesses exposées aux 4 coins du pays. Pas un sommet, pas une ruelle, pas un détour de rivière sans ses stupas, ses temples dorés et ses champs de bouddhas. La Birmanie est le pays des superlatifs : le plus grand Bouddha couché du monde, le plus grand Bouddha debout, la plus grosse cloche du monde, le plus grand livre ouvert (allez savoir !)… Et l’on admire, et l’on s’ébahit…
Et l’on se questionne. Car la Birmanie, c’est aussi l’un des régimes les plus répressifs au monde, ses habitants sont les 13 ème plus pauvres au monde, dont une grande partie vit avec 50 cts d’euros par jour, admirant les couches d’or qui recouvrent ses splendeurs nationales…
Le mode d’emploi de la démocratie birmane :
Règle numéro 1 :
Plus on est éduqué, plus l’on se rebelle. Les étudiants sont éduqués, donc ce sont des rebelles potentiels.
Conclusion numéro 1 : il serait sage de fermer les universités pendant des années pour ne pas avoir de population éduquée.
Règle numéro 2 :
Il existe une chaîne de télévision dissidente qui émet en birman depuis les Pays -Bas. La chaîne est reçue par satellite.
Conclusion numéro 2 : il serait sage d’augmenter le prix du satellite par 167.
Règle numéro 3 :
Même sans population éduquée, les risques de rébellion sont élevés (et il semblerait que cela choque encore plus de tirer sur des moines que sur des étudiants).
Conclusion numéro 3 : il serait sage de créer une nouvelle capitale tirée du chapeau loin de Yangon et de la population de ce pays.
Règle numéro 4 :
Le pouvoir ne devrait pas échapper aux militaires qui peuvent s’enrichir grace à l’exploitation des richesses naturelles de ce pays (teck, pierres précieuses, pétrole (que Total exploite avec brio, en respectant bien sur les droits de l’homme et en ne participant pas aux déplacements de population forcées effectuées par le gouvernement pour faire passer des gazoducs, cela va sans dire)). L’opposante principale au régime est une civile, qui a qui plus est été mariée à un étranger.
Conclusion numéro 4 : il serait sage de rédiger une constitution interdisant à des civils ou des personnes mariées à des suppos de l’occident de se présenter à une élection.
Règle numéro 5 :
La taxation de l’essence permet de renflouer les caisses de l’état.
Conclusion numéro 5 : il serait bon d’augmenter soudainement le prix de l’essence de 60%, puis, le prix des pompes nationales devenant 10 fois supérieur au prix du marché parallèle (quasi officiel), il serait bon d’obliger les chauffeurs de taxi, camions, bus et autres compagnies d’acheter leur essence à la pompe (5 euros le litre, contre 50 cts à tous les coins de rue… un chiffre à rapprocher du niveau de vie).
Règle numéro 6 :
L’information internationale pourrait donner de mauvaises idées aux locaux (cf. la contagion révolutionnaire dans le monde arabe).
Conclusion numéro 6 : il serait sage d’informer le habitants, sur la chaine Myanmar internation, au JT, que : les chinois sont maîtres dans l’art de la broderie, que Federer a perdu au tennis, que les russes sont champions de patins à glace et qu’en cette période de vacances, certains chinois ont eu du mal à trouver un billet de train pour retourner au travail. C’est qu’il s’en passe des choses dans le monde !!!
Et pourant, et pourtant… C’est dans ce même pays, qui nous rappelle Madagascar par bien des aspects, que l’on rencontre cette population extraodinaire, ces femmes aux visages peints et ces enfants rieurs, ces étudiants qui nous demandent gentiment de discuter avec eux au coin d’un temple et qui sont curieux de tout, nous offrant deux heures de discussion charmante, ces moines aux toges pourpres qui parcourent les rues pieds nus et nous courent après pour nous offrir une tranche de pastèque juteuse, ce convive ravi de nous faire gouter les spécialités locales en nous invitant gracieusement à la sortie d’un monument à repas communal…
Nous n’avons pas le droit de parler politique avec les habitants, sous peine de les mettre en danger. Mais au détour d’une conversation nous saisissons quelques bribes : ces deux étudiants rêvent de partir travailler à Singapour, cet autre aux Etats-Unis, car la vie y est plus facile. Cette jeune professeur d’anglais me dit que nous autres européens sommes très riches et pouvons voyager, alors qu’elle ne peut même pas sortir de sa ville… Un autre Birman avait assez d’économies pour se payer un billet d’avion, mais après trois tentatives, il n’a pas réussi à avoir de passeport (non, non, pas de visa, bien de passeport)…
La vie est dure donc, très certainement. Alors ces sourires sont encore plus touchants.
Dans ce pays extraordinaire, où tout est beau, les rizières, les villes, les montagnes kartisques rappelant la baie d’Along, les villages de maisons sur pilotis qui semblent vouloir d’effondrer au moindre coup de vent, et puis les gens, nous devrons être vigilants, comme le rappelle admirablement le Lonely Planet : Aung San Suu Kyi avait un temps appelé au boycott touristique, puis s’était ravisée, pensant que le pays ne méritait pas un plus grand repli sur lui même qu’il ne le subissait déjà. Mais il faut que nos devises profitent au maximum aux habitants, et non au gouvernement. Pour cela, il faut éviter les hotels gouvernementaux, le train, certains produits comme la Myanmar Beer, les bijoux… Les extrémistes éviteront même les sites nationaux (parmi lesquels certains des plus beaux temples au monde, dont une grande partie du droit d’entrée est reversée au gouvernement).
Le guide rappelle que la Birmanie est le pays où il faut plus qu’ailleurs voyager en routard, les voyages organisés ne rapportant pas un kopek aux habitants (mais représentant encore 80% du tourisme). Pour notre part, nous avons aussi renoncé à passer en Chine par la frontière terrestre au nord de la Birmanie, qui était censée être fermée. En fait, il suffit d’acheter un permis à 110 $ pour se faire escorter à la frontière par un guide national. 110 $ qui vont directement dans les caisses de l’état. Tant pis, nous ne verrons pas le nord du pays et repasserons par Bangkok…
En attendant, cap sur Kalaw, le lac Inle, et quelques monastères en passant. Dieu que c’est beau !
Les posts qui peuvent vous interesser:
Cela a l’air vraiment fantastique, tu ne taris pas d’éloges sur ce pays ! La Thaïlande est vite oubliée, du coup. Combien de temps restez-vous en Birmanie ? Nous attendrons donc votre sortie de ce pays pour profiter des photos.
Plein de bises.
Je suis heureuse que la Birmanie vous plaise et qu’elle efface vos mauvais souvenirs de la Thaïlande.
Tu fais passer à travers ce post une grande émotion: tu m’a l’air très touché par ce pays et ses habitants. Ce que tu nous transmets très bien.
Tout comme Marie et Jean-Pierre nous attendons les photos avec impatience.
Bises à tous les 2.
Vous nous tenez en haleine avec ce récit et nous sommes heureux que vous puissiez vibrer devant la beauté de ce pays.Faites le plein de souvenirs. Vivement les photos.
Grosses bises à tous les deux.
Ce site est magnifique, et je partage tout à fait cette émotion sur la Birmanie… de loin pour moi le pays le plus beau et troublant…
Pour les télécommunications, ils ont trouvé la parade. Une personne nous avait dit que pour avoir Internet ou une ligne de mobile, c’était 30 000 $US !
Avez-vous rencontré le fils spirituel de Tay Za à Nyaung Shwe ? Un français qui mériterait la peine de mort, au service d’un des généraux, marié à une locale… ?
Il a au moins eu la gentillesse de nous expliquer tout le mode de fonctionnement de la Birmanie et du système politique…
Merci pour votre blog, vous me faites voyager dans mon canapé !
Bisous à tous les deux
Hello Pierre Yves. Cool d’avoir un de tes commentaires! Surtout sur la Birmanie puisque c’est en partie toi qui avais fini de me convaincre d’y aller… et nous n’avons pas regretté
Sinon pour le téléphone on nous a dit quelquechose comme ça également mais le prix me semblait un peu moins cher. Enfin c’était de toutes les façons disproportionné par rapport au revenu moyen dans le pays.
Sinon à Nyaung Shwe nous n’avons pas croisé le français en question! Mais ça aurait été bien cool, car la langue de bois est souvent de mise par là bas (sauf lors de notre Trek à Kyaukme où le guide était prolixe
)!
A bientôt en tout cas, pour de nouveaux commentaires