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Des cartons de première classe, des cartons de seconde classe… Enfin, surtout de seconde. Il y a ceux que Cyril avait conservés à la cave (parce qu’il ne jette rien, pas parce qu’ils sont en parfait état), qu’il faut rafistoler, et puis les cartons que je vais chercheur au casino du coin, mais qui sont soit tout petits, soit qui ont des rebords qui ne se rejoignent pas au milieu et qui laissent un jour de 30 cm au milieu. Allez savoir ce qu’on est censés mettre là dedans ! Le matin, à peine levée, j’enfile un vieux jean et je file au supermarché, pour errer dans les rayons en quête du p’tit gars qui déballe le PQ (ce sont les meilleurs cartons, propres, vastes, solides, triple épaisseurs), je lui demande gentiment si je peux me servir (je ne peux pas user de mon charme, rapport au fait que je sors du lit et que je mendie ses cartons Moltonel), et je repars avec mes 5 cartons sous le bras.

Là, le plus dur commence : je ne sais pas où donner de la tête. Comment est-ce possible d’accumuler autant de cochonneries dans un 43 m2 ? A chaque fois que je pense avoir à peu près cerné le chantier, un autre placard se rappelle à mon bon souvenir, un tiroir géant qui s’était gentiment dissimulé sous le lit, une cave avec 7 étages d’étagères. Bref, Cyril est un collectionneur hors pair : tabouret à trois pieds, jean à une patte, cordons en tous genres qui ne trouveront jamais où se brancher, pots de fleurs destinés à accueillir ces magnifiques mauvaises herbes que la voisine du dessus arrose gentiment depuis un an en faisant couler l’eau de ses splendides géranium qui nous narguent au-dessus…

« Mais ce siège brulé et bancal, je peux le bazarder quand même ? »

« Malheureuse, mais ça pourrait bien nous servir un jour ! Pas touche ! »

Bon, bon, d’accord, en l’absence du collectionneur, je fais donc des piles : « à trier », « t’es sûr ? », « steuplééééé », enfin j’organise, je prépare le terrain psychologique pour que la séparation soit moins dure. Et en attendant j’emballe les valeurs sures.

C’est une activité trépidante qui offre de belles surprises : je retrouve plein de choses perdues, je farfouille parmi les vieilles photos… Et puis surtout, j’ai inventé un nouveau jeu. Ce n’est pas le chat et la souris, c’est le cafard et la ménagère. Le principe : soulevez une pile de livres, observez l’énorme cafard qui s’échappe paniqué de sa cachette découverte (les petits ont trépassé, seuls les énormes ont survécu à la décafardisation massive), et tapez des pieds en hurlant pour l’écraser et en laisser écouler le fameux liquide verdâtre si typique. C’est très divertissant !

Une autre variante est possible : saisissez vous d’un spray dégraissant à l’eau de javel toutes surfaces, et quand la bêbête surgit, vaporisez. Là l’insecte se met sur le dos et bat des pattes, dans une lente agonie. Niak niak !!! Mais ça je ne peux le faire que quand Cyril est au travail. La dernière fois je l’ai fait devant lui, il a hurlé. Au départ je jubilais : « t’as vu ? tu trouves ça trop cool comme jeu toi aussi ? Niak niak ». « Mais non !!!! T’es horrible, complètement sadique, tu vois pas que la pauvre bête souffre le martyre ????? ». Mf. On parle d’un cafard là quand même, donc y’a des limites, Brigitte !!!! Du coup je m’épanouis uniquement à mes heures de grande solitude (ne soyez pas trop durs avec moi, ça fait presque deux mois que je suis désœuvrée, chacun s’occupe comme il peut !).

Mais à part ce jeu, c’est assez rébarbatif, je n’en vois pas la fin, je panique, je ne sais pas comment tout va rentrer dans les cartons, comment tous les cartons vont tenir dans l’appart, comment on va pouvoir les mettre dans le camion… Enfin, heureusement que mon papa vient, il est trop fort à Tétris (c’est le plus fort du monde mon papa (je vais être indépendante pendant un an, alors je peux bien avoir une petite phase régressive avant de partir)).

Sur ces belles paroles, je vais cartonner (trop facile celle-là !).

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