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Highway to hell

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Nous avons à peine mis le pied sur l’île de Java qu’un p’tit gars nous saute dessus. Where are you going ?_ To Bowondoso, we want to see the Kawah Ijen ! (Je le fais en français pour faciliter la lecture, mais la francophonie n’est plus ce qu’elle était…). Ah, mais ça tombe bien, je suis guide, et je peux vous emmener au Kawah Ijen. Mais il faut rester à Banyuangi (la ville où nous avons améri). Vous verrez, c’est d’une grande richesse culturelle, et rien que pour son temple chinois, ça vaut le détour ! (Mf, ouais, c’est bizarre alors que le lonely planet en ait parlé comme d’une “ville sans intérêt, bruyante et sans charme”.). Le Français est méfiant de nature (et un peu pingre par nécessité dans notre cas). Nous repoussons donc gentiment. Non, merci, mais on a déjà réservé un hotel à Bowondoso. Là, il nous sort le grand jeu, nous déballe un programme alléchant, nous montre son livre d’or. La dernière touriste en date est française, elle s’appelle Laure, et a A-DO-RE. On se laisse donc convaincre, bonnes pâtes.

Fendy (c’est le nom du guide), nous amène à un hotel de son choix qui n’est pas dans le lonely. Et pour cause, c’est sombre, il n’y a pas de douche, pas d’eau chaude, pas de clim, on hésite à se coucher sur les draps… Mais bon, on a signé, on assume. Dans le hall, ils passent des films hollywoodiens au ralenti, Kevin Costner se retrouve avec une voix d’alien, ça donne une ambiance intéressante.

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Niki, une hollandaise qui s’est faite elle aussi alpaguer à la sortie du bateau, complète le groupe pour l’excursion du lendemain. En attendant, nous allons visier le fameux temple. Nous comprenons pourquoi le guide ne lui a pas consacré une ligne : c’est tout rouge et ça resemble à du carton pâte. Cyril d’ailleurs croit toujours que nous n’avons pas trouvé le temple, il n’arrive pas à se résoudre à l’idée que cette laideur soit effectivement un lieu de prière authentique et non un décors de théâtre de rue.

Départ à 5h30 le lendemain matin. Nous partons en scooter. Grande première pour nous. Cyril est au volant, prêt à démarrer en trombe. Il parle déjà de faire des figures et de rouler sur une roue. Enfin, pour ça faudrait déjà qu’on trouve comment démarrer la machine. Fendy la met en marche pour nous. Nous tanguons un peu, mais finalement, ça roule. Sur le chemin nous croisons d’ailleurs des gamins de 10ans qui conduisent des petites motos, leur uniforme scolaire sur le dos, et le petit frère à l’arrière !

Niki et Fendy ouvrent le chemin. Nous quittons la ville pour nous enfoncer dans la campagne : les paysages sont majestueux : des rizières couvertes par une brume qui se lève, des forêts verdoyantes en bordure…

Après 45 minutes de route, nous arrivons au lieu de rendez vous : une usine de traitement du souffre. Les ouvriers attendent le camion qui les conduira à l’entrée du volcan. Nous faisons une entrée remarquée : ce n’est pas le tout de savoir démarrer un scooter et rouler droit. Maintenant, il faut apprendre à s’arrêter ! On est un peu fébriles, on pousse avec les jambes, ce qui nous donne l’allure d’un gros insecte à 4 pattes, mais on garde la face.

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A 7h du matin, le camion arrive. Une trentaine d’ouvriers et quelques femmes grimpent à l’arrière, debout. Nous prenons place parmi eux. Le véhicule se met en branle ; on est bringuebalés dans tous les sens, il faut s’accrocher parce que ça grimpe sec, et il faut aussi éviter les branches (ce que Cyril apprent à ses dépens !).

Nous nous enfonçons dans la jungle (on y trouve des pantères, si si ; certes nous n’avons vu qu’une biquette et un singe, m’enfin, le fait de savoir que moogly aurait pu surgir d’un moment à l’autre, ça nous a émoustillés).

Après une heure de grimpette, nous arrivons à l’entrée du site. Les ouvriers prennent leur panier et commencent l’ascension du volcan. Fendy nous précise qu’il font deux trajets par jour, et rapportent à chaque fois jusqu’à 100 kg de souffre, qu’il portent sur leur dos. Nous avons du mal à y croire. Il sont tout petits, tout gringalets, et n’ont pas exactement une carrure d’altérophiles…

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Nous en voyons cependant redescendre avec une charge qui semble bien dur à porter, mais ils ont le sourire, et semblent plutôt à l’aise. L’ascension est assez abrupte, et très vite, Niki souffle, râle et devient toute rouge (on dirait moi deux jours plus tôt). Les ouvriers se marrent bien. Ils font la même chose avec 100 kg sur le dos, et nous à vide, on rame déjà.

Nous passons par le checkpoint, l’endroit où les ouvriers pèsent une première fois leur paquettage. Cyril peut s’essayer au portage de souffre. Et bien ce n’est pas glorieux. On lui propose un panier de 70 kg. Il s’accroupit, bande ses muscles, courbe le dos, et… Ben rien. Rien ne bouge.

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Bon, c’est pas grave, on lui donne une seconde chance. 65kg. Cette fois, le guide est fairplay, il nous évite une humiliation publique. Ils se mettent à deux pour aider Cyril à soulever le poids et à disposer le panier sur ses épaules. Cyril pâlit, flagelle. L’honneur est sauf, le panier a été porté. Mais de là à le transporter sur des km, à effectuer l’ascenscion depuis le cratère ? Ce sont des surhommes !

Conclusion : si Cyril habitait en indonésie, il serait pauvre. Ils sont payés au poids. Autant dire qu’il ne vaut mieux pas être faible, vieux ou malade…

Arrivée en haut du volcan, la vue est splendide. Mais très vite, d’énormes nuages de souffre nous envahissent. Ca brule les yeux, ça pique la gorge, l’odeur est épouvantable (ça sent l’oeuf pourri, comme quand on ratait nos TP de chimie !). Fendy me dit de ranger mes bijoux car le souffre ternit l’argent. Trop tard, mes belles boucles indonésiennes et mon bracelet sont devenus noir bleuté. Ultra puissant.

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Nous demandons à Fendy si les ouvriers n’ont pas de problèmes de poumons avec toute cette fumée. Il nous dit qu’au contraire, la visite médicale a prouvé qu’ils avaient tous un coeur bien plus gros et solide que la moyenne. Mfmouais, j’imagine qu’ils ont évité la radio des poumons. En plus, ils effectuent le trajet la clope au bec ! “ça donne de l’énergie” ! Ben oui ça, c’est vrai, on n’y avait pas pensé. Faudrait songer à dire à Malboro de changer les messages de leurs paquets de cigarette : “fumer donne de l’énergie”, ça sonne quand même autrement mieux que “fumer tue”…

Nous commençons la descente dans le cratère. Un chemin abrupte, caillouteux. Par endroits c’est irrespirable. Nous croisons sur notre route des ouvriers qui viennent de remplir leurs paniers, et qui remontent le cratère. Cela parait totalement inhumain / surhumain. Comment peut-on endurer cela ? Nous faisons un voyage dans le temps. On se croirait au moyen âge, au temps des carrières, avec en plus le souffre et la chaleur. Avec une petite poulie, des rails, ce serait tellement plus simple. Mais certains des ouvriers n’ont même pas l’argent pour s’acheter le panier qui sert à porter la récolte. Ils transportent alors leur cargaison dans des sacs en toile…

Nous arrivons en bas. D’énormes tuyaux s’enfoncent dans le ventre de la terre, et recrachent des coulées phosphorescentes, fumantes. En peu de temps, la lave durcit et change de couleur. Si les enfers existent, le décor resemble à celui-là. Pourtant pour nos yeux ébaïs, c’est un paysage paradisiaque (avec une odeur tout de même pestilentielle ; il faut croire que nous perdrons notre odorat au paradis).

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Le diable ici n’a pas la queue fourchue mais les yeux bridés. Le propriétaire de l’usine de souffre est évidemment chinois. Il fait le tour du propriétaire.

Nous rebroussons chemin. Arrivés en bas du volcan, il faut attendre que le camion revienne chercher sa cargaison. Les ouvriers, avant de remonter pour leur deuxième trajet, doivent aussi attendre le camion, parfois plus de deux heures, pour charger le souffre récolté.

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Nous visitons les “logements de fonction” des ouvriers : des cabanes en bois rudimentaires, où sont logés jusqu’à 20 personnes, dans ce qui resemble à deux poulaillers. Certains restent là 6 jours par semaine…

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Nous redescendons finalement vers 16h. Le trajet du retour est aussi épique que celui de l’aller. Les ouvriers qui repartent avec nous sont joviaux (une prouesse).

Fendy nous amène encore faire une ballade en scooter, pour voir les plantations de café, de clous de girofle, de caoutchouc.

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Puis nous rentrons.

Après cette journée pleine d’émotion, direction la douche. C’est pas tout ça, mais on sent l’oeuf pourri, et il faut se laver au moins deux fois pour que ça parte. Je frotte bien, avec mon savon sans paraben (faudrait quand même pas chopper un cancer de la peau).

Une dernière photo pour la route!

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7 Responses to " Highway to hell "

  1. Les vues sont magnifiques. On avait déjà vu les photos sur picasa mais il manquait les commentaires qui nous font bien revivre l’épopée ! En tout cas, au moins, vous ne faites pas les touristes banalisés et vous approchez au plus près la vie des indonésiens.
    Vous devriez revoir le scénario de votre film, en fait il vaut mieux travailler à La Défense…..
    Bises. Nous attendons la suite

  2. Nous n’avons de lien vers des photos sur Picasa de cette journée à la soufrière…
    Je pense comme Françoise et Yves : en effet, vous verrez certainement différemment vos journées de travail, désormais, même si les réalités en France ne sont pas toujours drôles non plus.
    Ces hommes sont très endurants mais doivent être usés après quelques années de travail. Vous parlez de femmes dans votre commentaire : elles travaillent elles aussi à la récolte du soufre ?

  3. Anonymous says:

    Et dire que l’on se plaint le soir quand on rentre du boulot….

  4. Vincent says:

    Salut,
    cette mine de souffre est bien un droit exceptionnel et terrible! Le grand photographe James Nachtwey avait fait un reportage qui montrait bien que ce lieu donnait un avant gout de ce que serait l’enfer…
    Continuez-bien vos decouvertes!

  5. ThoVer says:

    Magnifique les photos !

    Par contre, Cyril, je pensais que tu avais quand même appris à Laure qu’on ne dit pas hollandaise mais néerlandaise !! :p

  6. zimir says:

    Thomas, figure toi que je me suis insurgé lorsque la Nicky en question s’est présentée comme venant de Hollande. J’ai été obligé de lui faire la leçon mais elle nous a dit qu’elle venait pour sa part de Hollande :)
    Ne t’inquiète pas j’ai bien retenu tes leçons :)

    Vincent, ce qu’on a oublié de préciser dans le post c’est qu’ils sont payés 600Roupies par Kg et ils font max deux allers/retours dans la journée à cause de la fatigue et du temps que ca prend pour ramener les 8OKg sur la dos pendant 4km. Un mec costaud gagnera moins de 10€ par jour. On a croisé un monsieur de 65 ans qui portait ses 40Kg…. (déjà plus que je pourrais :) )!

    Les femmes du camion amenaient à manger pour les ouvriers, elles faisaient le ménage dans les dortoirs, préparaient la cuisine… mais elles ne portent pas sinon elles ne gagneraient vraiment pas grand chose.

    Et effectivement la Défense c’est pas si pire :) Surtout quand je me suis aperçu que j’arrivais à peine à me mettre debout avec les 65kg… de là à faire 4km dont 1, limite de l’escalade…

  7. ThoVer says:

    Me voilà rassuré :-)

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